Parcourir les sentiers entre légende et réalité

Le temple à ciel ouvert d’une religion secrète

Le mont Tsurugi à Nishi-Awa est le deuxième plus haut sommet de l’ouest du Japon. Pour des raisons qui ne sont pas toutes connues, son nom signifie « sabre ». C’est une montagne sacrée pour les adeptes du « Shugendō », l’ascèse en montagne, syncrétisme religieux entre le shintō, le bouddhisme ésotérique et le taoïsme. Les pratiquants vêtus de tenues blanches et de peaux d’animaux, empruntent des sentiers très durs pour développer leur spiritualité. Leurs rites intègrent une énorme conque en guise de corne de brume… Les notes profondes et plaintives qui se répercutent de montagne en montagne créent un son inoubliable. Peut-être aurez-vous la chance de croiser au détour du chemin l’un de ces habitants des hauteurs.

Le mont Tsurugi culminant à 1 995 m au-dessus du niveau de la mer, son ascension n’est pas qu’une simple partie de plaisir…Mais il est possible de prendre un télésiège, qui vous amène à 900 m du sommet. Il part de la station Minokoshi et met environ 35 minutes pour monter jusqu’à Nishijima (la montée jusqu’à Nishijima se fait en 35 minutes environ). C’est le télésiège le plus long du Japon. Si vous prévoyez de le prendre quand il fait froid, couvrez-vous bien ! Le sommet du Tsurugi est au-dessus de la limite des arbres, et il y pousse de très beaux bambous sasa. Tout en haut, se trouve un refuge où vous pouvez passer la nuit; au matin, vous aurez le plaisir de voir une superbe mer de nuages.

Le domaine des ours noirs

Le mont Tsurugi est une sorte de sanctuaire pour une trentaine d’ours noirs. Caractérisés par une lune blanche sur le poitrail, ces ours noirs peuplaient autrefois les montagnes du Shikoku, mais la chasse et la reforestation ont réduit leur habitat. Ils vivent en général à plus de 1 000 m d’altitude, là où subsistent les forêts de feuillus à feuillage caduc. Comme les ours sont timides, il est peu probable que vous en rencontriez un mais il est plaisant de se représenter les lieux où ils vivent. L’été, les jolies fleurs de cire jaunes fleurissent sur les sentiers de randonnée : cette plante ne se rencontre qu’en très haute altitude.

Des mystères à la pelle

Le mont Tsurugi est associé à un certain nombre de contes mystérieux, notamment celui du serpent géant et de l’Arche d’Alliance, mais ce ne sont pas les seuls mythes de la région, loin s’en faut. La région d’Ōboke Koboke est très connue pour ses elfes, appelés yōkai.

Il y a toutes sortes de monstres : du vieil homme rabougri qui crie comme un bébé mais grandit si vite, lorsque vous le prenez pour le réconforter, qu’il vous écrase… aux démons au long nez appelés « Tengu » et toutes sortes d’animaux sujets aux métamorphoses.

Amusants en apparence, ils jouent aussi un rôle pratique dans la vie de la région. Beaucoup sont associés à des endroits naturellement dangereux, comme ce magnifique bassin en contrebas d’une cascade où l’on entendrait le cri d’un nouveau-né. Ceux qui passent à proximité, attirés par cette voix, tombent dans le bassin. Avec cette histoire, les gens, et surtout les enfants, évitaient de s’en approcher.

Aujourd’hui, les yōkai sont célébrés à Nishi-Awa, et le long des sentiers de randonnée, plusieurs endroits sont reliés par des statues ou effigies de ces créatures. Il en existe une carte que vous pourrez vous procurer à Michi no Eki, qui accueille un musée de créatures étranges et monstrueuses. Tous les monstres représentés ici ont été faits par des gens du pays avec des matériaux simples. Certains sont si réalistes que les petits éclatent en sanglots contraignant leurs parents à faire demi-tour. Mais les enfants plus grands et ceux qui ont gardé leur âme d’enfant seront fascinés.